Thèse (en cours)
Présentation du travail de thèse, hébergé au Laboratoire de l’école d’Architecture de Versailles LEAV - sous la direction d’Eric Chauvier, professeur en anthropologie et de l'école doctorale SHS n°629 et de la Graduate School HSP (Université de Paris-Saclay.
Une aire de repos bondée, le bord d’une rivière en été, le parking en sous-sol d’Ikea, des toilettes dans un supermarché. À la question « que faites-vous ici », beaucoup des protagonistes rencontrés s’accordent sur un « rien ». Il ne se passe rien, personne ne fait rien, on y voit rien. Les piratages sont cachés derrière un effet de réel, des hommes semblent présents-absents, comme des anomalies. Derrière cet ordinaire se jouent des sexualités secrète entre hommes. Depuis presque sept ans, je m’intéresse à ces territoires interlopes, aux potentiels utopiques, qui naissent d’une volonté de s’affranchir d’un ordre social, depuis les épaisseurs refoulées de territoires réifiés : les lieux de drague.
Les lieux de drague hébergent des pratiques polymorphes et des expériences aussi diverses que les hommes qui les fréquentent. Ce sont des lieux d’altérité anonymes, qui tirent leur potentiel utopique des imaginaires qui s’y rencontrent. Ce sont des territoires finement codifiés, où la parole est rare et où les langages non-verbaux (corps, regard, posture, comportement) constituent un système normatif. Je rencontre ces lieux principalement dans l’ouest de la France, dans mon quotidien, sur des aires de repos, des parkings, des forêts, des plages ou des toilettes publiques, souvent loin des grands centres urbains. À la lisière du visible et du nommable, ils jouent avec l’espace, le temps et les imaginaires, afin de dissimuler des pratiques sexuelles, des expériences de rencontres, des sociabilités, des rapports de pouvoir, des créativités, majoritairement entre hommes. Ces lieux maillent l’ensemble du territoire, 10 000 ont été répertoriés en France pendant cette recherche. Les pratiques, que j’ai observées et parfois expérimentées, y sont multiples, les stratégies de détournement singulières et les imaginaires en présence inépuisables.
Si les lieux de drague urbains ont fait l'objet d'analyses socio-anthropologiques assez nombreuses, il ont en revanche rarement été étudiés dans les espaces peri-métropolitains et encore plus rarement par une approche au croisement des champs de l’architecture, des études urbaines et des outils de l’anthropologie. Pour étudier ces territoires sans les réduire, il est nécessaire de trouver des formats expérimentaux et des méthodologies inductivistes, autant dans la phase d’enquête que dans celle de la restitution, depuis la liminarité des contextures observées et éprouvées. Ainsi, pour mener la phase d’enquête, je me suis fait passer pendant plusieurs années pour l’un d’entre-eux, en incarnat divers personnages. De cette manière, j’ai pu recueillir des témoignages anonymes précieux, qui nous éclairent autrement quant aux raisons de fréquenter les lieux de drague.
L’autre singularité de cette recherche est qu’elle est complétée par un processus de création, qui naît notamment de l’arpentage répété des lieux de drague. Il s’agit d’une recherche plastique, qui explore divers médiums (photographie, vidéo, installation, architecture…) et plusieurs outils complémentaires (travail de l’image, modélisation, intelligence artificielle…). La visée de ces travaux est heuristique, car elle participe de la traduction de ces territoires.
La thèse se formalise alors comme un espace dialectique, aux dimensions multiples, composé d’une collection de dispositifs, littéraires, analytiques, méthodologiques, cartographiques, performatifs, poétiques, artistiques (...) à déplier et à mettre en dialogue. Elle propose d’explorer les multiplicités, d’accueillir les paradoxes et tire son potentiel heuristique des rapprochements, des confrontations, des vides, entre ces différents dispositifs. C’est donc en misant sur la rencontre des multiples, en pariant sur l’altérité et en plaçant le lecteur dans une posture active et immersive, que cette recherche tente de traduire les expériences, les imaginaires et les sensations rencontrés lors de cette enquête. Cette manière de procéder traduit aussi l’organisation et la liminarité de ces territoires.
Présentation
Vidéo de présentation de la thèse (04:38)
Bosquets
ardents.
Extraits de "Bosquets ardents"
36 pages
Petit recueil de fragments, il s’agit d’un dispositif d’écriture expérimentale qui fait suite à l’étape liminaire d’intériorisations dans l’enquête de terrain. Là aussi, les méthodologies sont détaillées dans le prolégomènes. Le dispositif d’écriture tente de « parler au seuil de l’être » pour reprendre les mots de Gaston Bachelard, en empruntant aux méthodes d’écriture automatique grâce à des états altérés, empruntés aux surréalistes.